« La création est un
jaillissement puis un cheminement » me disait un jour Alberto von Fach et,
en effet, son art s’affirme comme le témoin de sa réflexion constante, de sa
quête de sens à travers ses œuvres peintes ou sculptées.
De cet artiste on apprécie depuis longtemps la qualité expressive de sa
sculpture habitée d’humanité et de transcendance. Réalisés dans ce même esprit,
les tableaux d’aujourd’hui affirment un lien étroit entre ces deux démarches
artistiques, ils viennent enrichir sa méditation.
Le rapport des humains avec le cosmos, avec
la terre sacrée devenue de plus en plus utilitaire au cours des siècles,
dévastée parfois, nourrit sa méditation dans l’ensemble de sa création.
Intemporelles, ses toiles appellent un échangent, posent les questions
essentielles : la place des êtres sur la planète, leurs espoirs et leurs
inquiétudes. Une œuvre où mémoire et futur se conjuguent sans cesse dans une
recherche perpétuelle de soi-même et un désir de partage avec l’autre.
Pour Alberto,il existe une réelle correspondance entre le matériau à
tailler,à façonner et les couleurs de la palette dans lesquelles il retrouve les éclats du lapis-lazuli,du
jaspe,de la pierre rose nés dans les entrailles de la terre. Et comme il
sculpterait, il travaille en force sa matière qui impose aussi sa résistance.
Tout d’abord aperçu par le spectateur,le chaos des couleurs à l’image de celui
de la Genèse, exerce une sorte de fascination puis,très vite,son regard perçoit
les rythmes ascendants et superbes d’où émane une lumière irradiante,rayonnante
créant des compositions structurées au magnifique équilibre.
Avec la même ardeur,le même bonheur presque charnel qu’il éprouve dans
le combat mené avec la pierre,le bois ou le marbre, le peintre s’empare des
tons,les nuance,les morcelle en mille fragments qui étincellent,inondent et
scandent l’espace de leur fulgurance. Entre poésie, rigueur et liberté il
exprime ses questionnements sur ce qu’il advient aujourd’hui de notre héritage
commun, de cette terre dont il découvre les strates successives qu’il fait
chanter dans ses compositions. Ces toiles à l’esthétique puissante possèdent
une dimension mystique ; elles répondent au besoin de spiritualité qui
nous fait « êtres humains », elles sont l’expression de la richesse intérieure de l’artiste. L’art
comme révélation d’un mystère, comme message à la beauté du monde à préserver,
ainsi Alberto von Fach le conçoit-il. Il fait s’épanouir le plus intime de la
terre, en conserve l’esprit primitif dans ses œuvres travaillées avec ampleur
où la pensée rejoint la réalité.En effet, l’artiste est là pour nous révéler le
mystère du monde, celui qui nous habite aussi. L’art de ce peintre nous convie
à un voyage dans le temps, il transmet une émotion solitaire qui touche l’autre,
le fait rêver, révèle la dualité conscient-inconscient.
S’étonner,s’émerveiller,comprendre,entre instinct et réflexion,le
tableau se construit avec une conscience lucide de la relation intime de
l’homme avec la nature et de son désir d’idéal que symbolise ici la montagne
parfois suggérée qui,comme l’arbre, va à l’assaut du ciel. Terre, lieu de nos
racines, ciel, celui de la lumière, le lien ne peut se rompre.
Contemporaine et universelle, vivante, dynamique, loin d’une quelconque
description, cette peinture réalisée dans l’emportement d’une touche toujours
contrôlée, résonne d’une brillante musicalité de la palette forte et subtile
tour à tour. Le feu incandescent des rouges profonds, des bleus, des jaunes, le
remarquable travail de la matière avec ses accidents, ses opacités et ses
transparences, les perspectives ouvrant sur l’infini, l’inconnu permettent le
dialogue entre les temps anciens et d’aujourd’hui, interrogent au plus profond
de lui-même celui qui contemple le tableau. De ce minéral, de ces roches, de
cette vibration des couleurs se détachent, ici et là, les vestiges d’une cité
disparue, oubliée, une pagode, une grotte, un masque africain, un visage autant
de signes du passé lointain ou proche.L’on devine l’artiste captivé par
l’histoire de ces temps révolus qui nous ont fondés autant que par l’inconnu du
futur. Chacune des œuvres est porteuse de sa propre substance. Et
lorsqu’Alberto se limite au noir et blanc l’expression se fait aussi intense.
En perpétuelles recherches, l’artiste n’hésite pas, parfois, à associer
le noir décliné jusqu’au gris, à la couleur dans un échange imprévu et réussi
et que le blanc réunit.
Entre esthétique et élévation de l’âme, l’œuvre d’Alberto von Fach met
l’esprit aux prises avec ses incertitudes, ses interrogations.Sa peinture comme
sa sculpture trouvent un écho en chacun par sa lucidité, sa beauté plastique,
sa vision humaine, sa réflexion reliée aux penseurs de toutes les époques ;
il met en lumière ce que chaque être porte dans son inconscient.
Nicole LAMOTHE
Critique d’art
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