La matière transcendée

 

Quel moment rare et précieux que d’écouter Alberto Von Fach évoquer la création ! On comprend alors combien il est « habité »
par son art, avec quelle passion il se confronte à différents matériaux, parfois rétifs, tout en les respectant, afin de faire chanter
l’esprit de la matière.

Loin d’une simple recherche esthétique complaisante, sa démarche est l’aboutissement d’une réflexion permanente sur la vie,
sur l’homme et ses multiples aspirations, sur la nature aussi. La sculpture est pour lui comme un sacerdoce, il lui consacre
l’essentiel de son existence, de sa pensée tout en demeurant pleinement dans le monde contemporain qu’il observe.
Cette œuvre unique, jaillie du meilleur de l’être, est comme un temps suspendu, chacun peut dialoguer avec elle et trouver
la nourriture à ses propres interrogations.

Alberto Von Fach possède la sensibilité des poètes, il sculpte avec son authenticité les forces ardentes qui sont en lui, sa foi en
l’homme, comme un témoin lucide. L’art est pour lui la réalité humaine transcendée, la relation à soi et aux autres ; il crée
dans la joie et l’amour, parfois dans le doute comme tout artiste.

Lentement méditée, son œuvre est porteuse du Beau, « le beau c’est le plus » dit-il mais jamais le beau séducteur bien sûr.
Il l’exprime par le marbre, le bois ou les pierres précieuses : Lapis-lazuli, jaspe, malachite, pierre rose de la Cordillère des Andes, jamais travaillées en sculpture et dont il fait épanouir la splendeur par des tailles et entailles dynamiques entre ombre et lumière. Dans le respect de la respiration de la matière il met en valeur veines et minerais de ces pierres, les creuse de sillons qu’il fait vibrer d’une vie rappelant celle du sous-sol où elles sont nées et crée une relation entre surfaces brutes et polies. Il y a la sûreté et
l’ampleur du travail gestuel, enthousiaste qui permet une renaissance de ces minéraux. Alberto aime aussi dialoguer avec
des troncs d’arbres millénaires, immenses ; il les travaille au Chili, son pays natal, où il part se ressourcer quelque mois par an.

Un réel défi que ce tête-à-tête avec une matière inerte mais remplie d’énergie et d’inconnues. En dépit des difficultés nombreuses,
il conduit jusqu’à leur achèvement les découvertes qu’il provoque au cours de son travail quels que soient les problèmes à vaincre. Ainsi, malgré la bataille rude à l’issue incertaine parfois, l’accord est toujours trouvé avec le matériau qu’il apprivoise par des gestes justes et sûrs ; il fait corps avec lui, il est en symbiose totale, devine ses pulsations intimes.

Il réalise actuellement, lorsqu’il est dans son atelier du Chili, quatorze sculptures monumentales, à partir de ces bois et ces pierres millénaires.

Alberto Von Fach n’est-il pas cet artiste qui, avec éclat, à travers ses thèmes multiples liés à l’univers, construit son œuvre porteuse d’idéal et non d’utopie, par l’union magnifique et intime de la pensée et du geste qui métamorphose le matériau en œuvre d’art porteuse de sens.

Il poursuit inlassable, sa quête avec le même émerveillement, la même lucidité, la même ferveur ; il sculpte, fait naître des volumes qui prennent leur envol et parfois se replient, plus intériorisés, toujours irrigués de sèves. Alberto aime également jouer sur la fragilité de l’équilibre, remarquable dans les compositions où le fer s’unit au bois dans la grâce des courbes aériennes, inventives qui
s’élancent dans l’espace comme à l’assaut du ciel.

Dans chaque création la matière impose sa force primitive et par de longs sillons sinueux ou rectilignes, creusés avec plus ou moins de profondeur, Alberto Von Fach exprime la quintessence du réel puisée au cœur de la pensée jusqu’à l’inconscient. Il évite
les symétries faciles. En une secrète alliance d’abstraction et de figuration allusive, cette œuvre intemporelle ménage des imprévus : les sculptures en double face peuvent être porteuses de deux thèmes, apparaissent alors, dans des rythmes abstraits au premier regard, l’esquisse d’un couple ou d’un corps féminin aux formes discrètement sensuelles. Ainsi, pierres, bois, marbre, éléments de
l’univers, s’humanisent, s’incarnent fécondés par la main du sculpteur.

Hors des sentiers battus, cet art est un reflet des émotions, d’une recherche de l’essentiel, d’un idéal : il est élan. Sculpter c’est pour l’artiste, mettre l’esprit aux prises avec nos interrogations, c’est tendre vers l’absolu avec gravité et bonheur partagés avec
ces œuvres fulgurantes ou massives, symboliques, mystiques aussi.

En pleine maturité, Alberto Von Fach s’interroge à travers son art de sérénité et de plénitude, nous interroge, entraîne à la découverte de l’inconnu dans des sculptures qui se situent bien au-delà du matérialisme. Cet art de probité et de réflexion,
à l’ample respiration, propose à qui le contemple, la paix intérieure, celle-là même ressentie à l’écoute de Vivaldi, Bach,
Beethoven, Mozart et d’autres encore, qui accompagnent Alberto quotidiennement.

Nicole LAMOTHE
Critique d’art

 

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